La description spécifique de la scène est aussi importante que les événements qui se déroulent à l’intérieur. Souvent, elle se trouve dans les thèmes d’un passage, elle exagère les types de personnages, et certainement, elle donne le ton au narrateur. Dans le cas de l’Étranger par Albert Camus, la description de la scène dirige fortement le rythme de l’action à la fin du chapitre un, pendant que Meursault participe à l’enterrement de sa mère. Pour réaliser la description dans l’œuvre, il souligne les éléments des cinq sens, se concentrant sur la vue avec un zoom sur la lumière et les couleurs. Chaque expérience sensorielle décrite par Meursault amène l’action de plus en plus vite, et aide à la mise au point de sa propre perspective.
Pendant le passage, Meursault s’intéresse souvent à la chaleur de Marengo, où résident les vieillards de l’asile. Il remarque le soleil et surtout, il constate la sueur : ceux qui l’essuient comme l’employé des pompes funèbres, ceux qui la laissent comme le directeur, et comment lui, Meursault, la combattre en l’éventant avec un mouchoir (27-8). Il explique comment la sueur s’écoule de ses joues, ou ne coule pas sur le visage de Pérez à cause de ses rides (30). Certainement, il le fait pour démontrer la différence entre les personnages de la scène en parlant de leurs capacités d’adaptation à la chaleur, et son incapacité de surmonter son propre espace sensoriel.
Ce qui est aussi frappant dans le passage, c’est la présence des sons et des couleurs dans le texte qui constituent la mise en scène. Meursault décrit les alentours de la route comme la campagne pleine du bourdonnement des insectes et « des crépitements d’herbe, » tant qu’ils font tressaillir l’air chaud. Ces sons donnent une vibration à la scène qui trouble la perception, aussi que l’encens de l’enterrement obscurcissant la vue comme une drogue. En outre, les couleurs évoquent les symboles forts. Meursault parle du rouge des oreilles de Pérez, et il indique celui de son sang, des géraniums dans le cimetière, et de la terre qui couvre éventuellement la bière. À partir de ces exemples, il semble que le rouge est la couleur qu’il associe à la mort. Ailleurs, Meursault a la préoccupation de la lumière du soleil qui éclate sur les surfaces noires, notamment sur le goudron, sur la voiture et sur la bière. Il est obsédé par l’effet de vernis construit par la lumière « blanche » et chaude, et les surfaces noires, qui font fondre la réalité de cette expérience dans la chaleur du jour.
La chaleur, les sons bourdonnants, les couleurs et la lumière ajoutent au mouvement des actions dans ce passage. Dans l’incipit de ce passage, Meursault perçoit le soleil montant rapidement dans le ciel, comme vont arriver les actions suivantes. Tous les événements se sont « mis(es) en marche(s) » au rythme des pas de Pérez qui « claudiquait légèrement, » au rythme instable, manquant de la fluidité (27). À partir de cela, tout se passe avec de plus en plus de vitesse, et tout devient confus: Meursault perd Pérez de vue de temps en temps, et ne le retrouve pas sur le chemin du cortège, mais en dédoublant le champ autour de la route. Meursault est lui-même « perdu entre le ciel bleu et blanc… et le monotonie de… noir, » ou bien entre ce qui est clair et ce qui est obscur de réalité et de ses idées (29). Les phrases courtes qui se déroulent vite sans périodes et le bus qui avance péniblement rendent le passage aussi confus que Meursault.
Le narrateur donne la description des alentours pour encadrer les actions dans une scène. Dans l’Etranger, Meursault se concentre sur les descriptions de ses propres sens, insistant sur le toucher, l’ouïe, et la vue en particulier. C’est son expérience des actions qui dirige la rythme et la vitesse de la scène jusqu’à la fin du chapitre. En traversant sa perspective, Meursault met le lecteur dans un véritable tourbillon des événements, et il rend confus l’espace ou la réalité, comme il est perdu dans ses idées.
No comments:
Post a Comment